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La carte est plus intéressante que le territoire

Je n’avais pas du tout l’intention de lire ce roman. Je suis toujours méfiante lorsque la presse me présente un auteur sur un plateau. Entre les scandales vaseux (essentiellement entretenus par des critiques blasés), Iggy Pop et sa bande de copains-lettreux cocaïnomanes, j’ai toujours eu du mal à suivre. Plutôt que d’essayer, j’ai preferé me dire que cela ne devait certainement pas en valoir la peine.

J’avais pourtant lu et aimé L’extension du domaine de la lutte à sa sortie en 1994, et croisé des poèmes qui étaient très bons.
Et puis Houellebecq avait un petit côté underground-freak sympa, à l’image de ce disque sorti chez Tricatel où il scandait sa poésie sur un fond musical d’As Dragon. C’était moche, mais j’y avais trouvé un certain sens. La poésie semble affreusement sans vie lorsqu’elle est imprimée, il était bon de l’entendre. Houellebecq semblait totalement emberlificoté dans l’idée que le XXe siècle allait forcément se tranformer en XXIe siècle. C’était plaisant, mais pas vraiment suffisant.

J’ai finalement craqué lors d’une mes énièmes errances dans l’univers parfaitement anonyme de la Fnac et j’ai acheté La Carte et le Territoire. Pendant de longues semaines le livre trônait sur une de mes enceintes, et je lui jetais des regards peu aimables, ne me décidant pas à en commencer la lecture. C’est finalement un sms du Monde.fr sur mon iPhone m’annonçant qu’on lui avait decerné le prix Goncourt qui me poussa à la lecture.
La pire raison, en somme, et tout ce contre quoi je luttais.

“Au moment où ils approchaient de l’échangeur de Melun-Centre, il comprit qu’il avait vécu, pendant cette semaine, une parenthèse paisible.”
Michel Houellebecq, La carte et le territoire.
C’est en lisant cette phrase, page 61 de l’édition Flammarion, que j’ai compris que Houellebecq n’était pas un fantôme et qu’on pourrait très certainement étudier son oeuvre dans les cours de littérature : la description chirurgicalo-glauque contrebalancée par l’expression un peu vide mais juste du sentiment. J’ai pensé à Jean-Jacques Rousseau, et à ses tics d’écriture, lorsque par exemple dans ses sublimes Confessions, il se décrit astucieusement en juxtaposant deux adjectifs à connotations négative, suivis de trois adjectifs a connotation positive : “Je me suis montré tel que je fus, méprisable et vil quand je l’ai été, bon, généreux, sublime, quand je l’ai été”. Je remarque rarement ces choses-là, certainement parce qu’il y a peu d’écritures qui sont aussi emplies de leur auteur. Et j’aime ça follement : quand l’art transpire l’artiste, quand il n’y a aucune confusion possible, quand on peut saisir le caractère et qu’il est plein de défauts.

La Carte est le Territoire est un roman et un document où l’écrivain met en scène sa propre mort, la France de 2010, le quotidien policier et le monde étrange de l’art contemporain. Mais pas que.
J’ai trouvé le propos global sur l’art et l’artiste et sur ses problématiques d’une justesse effroyable. Sans doute parce que Michel Houellebecq parvient à trouver au travers de ses trois personnages principaux un prisme parfait qui permet une lecture metaphysique de la vie et du monde. A eux trois, ils sont des calques, et le roman devient total lorsque les trois calques se superposent.
Je me demande comment les journalistes sont parvenus à écrire sur ce livre, à en faire une critique. C’est un livre qui se suffit à lui-même. Il est totalement tourné sur lui-même, sur son auteur, sur ses questionnements et fabrique un cercle parfait dont le lecteur (et sans doute l’auteur) n’est libéré qu’au point final. La mise en abyme est idyllique et irréprochable mais jamais ne se mort la queue.

Michel a assurément les pieds dans son époque et, assagi, il a troqué le cynisme contre l’ironie. Tant mieux, car le cynisme est un truc d’artiste paresseux.

La fiction sera toujours plus belle que la réalité, et c’est bon de s’en convaincre une énième fois.

Lisez ce livre, nom de Dieu.

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  1. Bonsoir,

    désolé,mais votre prose pro-Houellebecq ne me fera pas perde mon temps avec cet énergumène mal attifé aux doigts jaunis puant le mal être entretenu, tout ce que le bien pensant Parisien attend pour crier au génie incompris, fureteur d’éditeurs, afin de trouver sa place qu’il ne pense qu’être au firmament de je ne sais quelle gloire atteinte de son vivant,et d’ailleurs pour laquelle il aurait sacrifié de son originalité.
    Pour ce qui est de votre musique… ne suivez pas ses pas, rester dans l’ombre tant que la lumière ne viendra pas d’elle même, et n’acceptez aucune compromission.
    Ceci dit, je ne parle pas un mot d’anglais, mais me régale de votre album..
    Bien à vous.

  2. Merci Pam pour cet avis . Tu as cette chance de savoir ecrire et t’exprimer de bien belle facon , je t’envie ; j’ai toujours eu une grande difficultée a m’exprimer surtout par ecrit . Je vais suivre ton conseil , lire ce livre , ca me changera de mes revus specialisées . Notre campagne etant trop humide pour en profiter je resterais au coin du feu avec ce Houellebecq.
    Fignole bien ton prochaine album , mais traine pas trop , non de Dieu.

  3. bonjour Pam

    je partage ton rejet des produits trop plébiscités par le public et la critique, tels que les livres ou les films. mais pas toujours, heureusement il y a des créations qui remportent le succès et la reconnaissance médiatique et populaires qu’elles méritent.

    j’aime le personnage de Houellebecq car il est propulsé sur le devant de la scène malgré lui.

    le texte que tu as écrit sur son dernier livre m’a donné envie de le lire. surtout s’il parle du milieu de l’art contemporain, ça m’interpelle.

    merci
    Chrisy